lundi 28 juillet 2008

Cellulaire - Danger accru pour les enfants ?

Article publié dans le Journal de Montréal, le 25 juillet 2008.

Un spécialiste américain du cancer recommande de ne pas laisser les plus jeunes manipuler des cellulaires.

Dans une prise de position exceptionnelle sur la question, un spécialiste américain du cancer sonne l'alarme sur les dangers du cellulaire pour la santé. L'éminent médecin conseille notamment de ne pas laisser de portable entre les mains d'un enfant.

Alors que médecins et chercheurs du monde entier sont loin de s'entendre et de se prononcer clairement sur la relation entre le cancer et le téléphone cellulaire, le Dr Ronald Herberman, directeur de l'Institut du cancer de Pittsburgh et spécialiste des tumeurs, s'affirme.

Dans un avis envoyé à ses quelque 3000 employés et intitulé Conseils importants de précaution sur l'utilisation du cellulaire, il dit être «convaincu qu'il existe assez d'information liant le téléphone portable à des effets néfastes sur la santé comme le cancer pour les mettre en garde». Conclusion qu'il est l'un des premiers à tirer.

Les enfants vulnérables

Le Dr Herberman prévient entre autres les membres de son équipe de ne pas permettre aux enfants d'utiliser un cellulaire.

«Les organes des foetus et des enfants étant en plein développement, ils sont susceptibles d'être plus sensibles aux effets des champs électromagnétiques émis par ce type de téléphone», explique-t-il.

Comme pour la cigarette au Québec, il demande de ne pas utiliser de portable dans des lieux publics afin de ne pas exposer autrui aux risques qui y sont liés. Le médecin donne aussi des trucs pour limiter l'exposition aux ondes du téléphone.

Il se base, entre autres, sur les résultats préliminaires d'un panel mondial de spécialistes qu'il dirige et selon lequel «le champ électromagnétique du cellulaire devrait être considéré comme un risque potentiel pour la santé».

«Mais ce ne sont que les premiers résultats et ils ne montrent pas de lien direct», précise le porte-parole de la Société canadienne du cancer, André Beaulieu.

Rare prise de position

Il est particulièrement rare qu'un spécialiste prenne une position aussi radicale quant aux effets du cellulaire sur la santé. Selon plusieurs médias américains, il s'agit d'une première aux États-Unis.

«Disons qu'on ne voit pas ça tous les jours», admet la directrice administrative de l'Institut du cancer de Montréal, Maral Tersakian, qui, comme la majorité des experts sur la question, préfère ne pas se mouiller.

«C'est qu'on marche un peu sur des oeufs, explique André Beaulieu. Il y a beaucoup de zones grises et tellement peu de réponses. À part pour le soleil et le tabac, c'est difficile d'établir avec certitude les causes du cancer».

Quelques conseils

  • Les recommandations du Dr Herberman pour limiter l'exposition aux champs électromagnétiques


  • Ne pas laisser de cellulaire entre les mains d'un enfant, sauf en cas d'urgence.


  • Garder le cellulaire le plus éloigné du corps durant les conversations. Utiliser une oreillette ou la fonction mains libres le plus souvent possible.


  • Ne pas utiliser le cellulaire dans des lieux publics pour ne pas exposer les autres au champ électromagnétique.


  • Éviter de garder le cellulaire près de vous en tout temps. Ne pas le placer sous l'oreiller ou à côté du lit la nuit.


  • S'il est nécessaire d'avoir le cellulaire sur vous en tout temps, placer la face avec les touches vers votre corps. N'utiliser le cellulaire que pour des conversations de quelques minutes.


  • Changer le cellulaire d'oreille régulièrement et attendre que le correspondant ait décroché avant de le placer près de votre tête.


  • Ne pas utiliser le cellulaire lorsque le signal est faible ou que vous vous déplacez à haute vitesse (voiture ou train). Cela augmente la force du champ électromagnétique.


  • Privilégier les messages textes plutôt que les appels.


Gabrielle Duchaine
Le Journal de Montréal

25 juillet 2008

jeudi 10 juillet 2008

Champs électromagnétiques: la menace fantôme

Transport d’électricité, téléphonie cellulaire, ordinateurs sans fil, micro-ondes : nous sommes constamment et de plus en plus exposés aux champs électromagnétiques. La technologie se développe à une telle vitesse que les scientifiques n’ont pas le temps d’en étudier les impacts. Cette surexposition permanente est-elle l’amorce d’une crise environnementale et de santé publique?

Depuis quelque temps, plusieurs gouvernements ont multiplié les interdictions au nom du principe de précaution. Cette approche, hautement controversée, a émergé dans la mouvance environnementale avant d’être entérinée dans la convention de Rio (sur la biodiversité), en 1992. Une définition actualisée, qui en vaut une autre, irait comme suit : «Des mesures doivent être prises lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire qu’une activité ou un produit risque de causer des dommages graves et irréversibles à la santé ou à l’environnement.»

C’est au nom de ce principe que le Portugal préconise une utilisation limitée du cellulaire chez les moins de 14 ans depuis l’an dernier ou qu’Israël interdit maintenant l’installation d’antennes relais de téléphonie cellulaire dans les quartiers d’habitations. En Suède, ceux qui souffrent d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques reçoivent une aide financière du gouvernement (même s’il ne reconnaît pas leur handicap).

En France, le sujet agite les passions. La semaine dernière, une vingtaine d’experts, en majorité cancérologues, ont sonné l’alarme à propos des sans-fil. Alors, est-ce dangereux? Pas sûr, mais soyons prudents, disent-ils. Le ministère français de la Santé qualifie le risque de «faible».

Ce qui n’a pas empêché la Ville de Paris, il y a quelques mois, de retirer les bornes Wi-Fi dans quatre de ses bibliothèques municipales. Des employés se plaignaient d’être sensibles aux ondes électromagnétiques et disaient souffrir de maux de tête, de nausées et des palpitations. La Ville ne reconnaît pas le lien entre le réseau sans fil et les problèmes de santé, elle l’a fait pour apaiser les tensions. Ce qui ne l’empêche pas de commander une étude comparative sur les réglementations et les dispositifs mis en place pour limiter l’exposition du public aux ondes utilisées pour les télécommunications.

Certains vont plus loin que les malaises physiques : on évoque le spectre de risques de cancer plus élevés pour ceux qui sont plus exposés, de même que de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer.

Crier au loup?

Devrait-on s’en préoccuper? Selon une étude de l’Institut national de santé publique du Québec, réalisée l’an dernier, les Québécois sont plus exposés aux champs électromagnétiques que les habitants des autres pays industrialisés, notamment parce que 70 % des maisons sont chauffées à l’électricité. L’Institut recommande d’adopter le principe de précaution compte tenu des incertitudes sur l’impact de l’exposition aux ondes.

Pour d’autres, tout ça équivaut à crier au loup. Si on examine les champs électromagnétiques des fils électriques, mieux connus, la science fait état d’effets minimes sur les êtres vivants. Il y a des risques d’augmentation de la leucémie chez les enfants qui vivent à proximité, mais le lien de cause à effet n’a jamais été démontré de façon irréfutable.

Il ne s’agit pas ici d’avoir peur d’avoir peur, mais plutôt de prendre certaines précautions pour éviter que ne se répètent des erreurs mortelles comme celles de l’amiante et du tabac — nocifs selon le degré d’exposition et la constitution de chacun.

En cas de doute, certaines précautions sont faciles à prendre. Dans le cas du Wi-Fi, installer la borne à au moins un mètre des utilisateurs et ne pas se placer entre celle-ci et les ordinateurs branchés; débrancher la borne quand elle ne fonctionne pas… Pour les cellulaires, utiliser un dispositif mains libres; limiter les conversations; éviter de le porter sur soi; ne pas laisser les enfants s’en servir sauf en cas d’urgence, etc.

La science ne nous donnera probablement pas de réponses sur les dangers potentiels des champs électromagnétiques avant plusieurs années. Et si danger il y a, il sera peut-être trop tard dans certains cas. Pousser le principe de précaution à son extrême mène à des actions comme l’arrêt de la fluoration à Québec... Nous profitons de ces nouvelles technologies. Mais nous en sommes les cobayes.

Éric Moreault
Le Soleil
Québec